Je regardai un long moment la tombe d’Asano et le saluai encore une fois, tentant avec humilité d’appréhender ce qu’il représentait pour ses hommes. Je me dirigeai vers la sortie avec une question sur les lèvres. Si ces hommes avaient rétabli Asano dans son honneur, pourquoi les nommait-on “Les 47 ronin” ? Ne devrait-on pas les nommer “Les 47 samouraïs”. J’étais loin d’avoir tout compris à la culture du Bushido. Demain, je viendrais donc pour porter une fleur à ces hommes et pour mieux comprendre ce Bushido.
Arrivée aux portes du temple, un homme m’interpela poliment, en anglais. Je le saluai à mon tour et souris avec politesse à ces excuses en les acceptant. Il me tendit un mot. Le pauvre jeune homme me vit devenir blême à sa lecture. Ma main cacha un “oh” de stupeur sur mes lèvres.
Oishi, la cérémonie du thé avec Oishi ? Avec Oishi Seijitsu ? SOS, SOS ! Médé ! Médé ! Je vais mourir !
— C’est un honneur pour moi d’accepter.
Mais Princesse ? T’es folle d’accepter, tu vas tout foirer… Intérieurement, je paniquais totalement et je commençais à comprendre les phobies de Pachad. La cérémonie du thé avec Oishi.
— J’ai peur de vous manquer de respect. Je connais très mal votre culture. C’est pour apprendre que je suis venu, ici. La cérémonie du thé, pour nous occidentaux, c’est quelque chose qui nous dépasse. Je ne voudrais pas froisser mon hôte. Je suis invitée à l’heure du thé, j’ignore tout, jusqu’à l’heure du rendez-vous.
— Ne vous inquiétez pas, Mademoiselle, quand vous serez prête, je serais ici à vous attendre. Je vous conduirais.
Je ne comprenais pas qu’il n’y avait pas vraiment d’heure précise. Forcément, je me fixais sur le 17h00 des anglais, ce qui me laissait une toute petite heure. Je le saluais et déguerpissais jusque mon hôtel.
SOS !!!! MAMAN !!! Tant pis pour mon forfait, j’avais besoin d’aide… J’envoyais un SMS à Lidrya :
Cérémonie du thé avec Oishi, je vais mourir, à l’aide !!! Qu’est-ce que je dois faire ?
Et quitte à exploser définitivement ce forfait, j’activais la data et lançais une recherche sur Wikipedia. Je n’avais que cela pour m’aider.
— Oh mon Dieu, je dois porter un Yukata !
Aussitôt, j’étendais le pouvoir de Sariel pour me permettre de communiquer avec une créature de Kabbale dans la plus grande discrétion.
— Bonjour, douce Inikh, j’ai vraiment besoin d’aide, je dois assister à une cérémonie avec un homme qui m’impressionne beaucoup. Je dois porter une Yukata, est-ce que tu veux bien m’aider ?
La petite fée rigola en lisant les sentiments qui traversait mon corps. Elle accepta mais me demanda en échange de lui expliquer pourquoi je dissimulais ainsi nos auras. Je lui expliquai avec calme, malgré la trotteuse qui tournait bien trop vite sur l’horloge fixée au mur.
— Ton aura est trop belle pour être cachée. Je suis navrée, mais tu ne pourras pas respectée la tradition japonaise en si peu de temps. Je peux te fabriquer une tenue excentrique mêlant vos deux traditions.
— Ouh la la la… C’est gentille, mais je préfère plus d’humilité.
Elle rigola et sourit.
— Alors, je sais ce qu’il te faut, comme il va faire froid ce soir.
Je souris malgré la panique. J’arrivais une heure plus tard devant Chun. Il fut surpris par ma tenue.
— Quelque chose ne va pas ?
— Ne vous inquiétez pas, je vous l’ai dit, vous êtes invitée, tout va bien se passer.
Nous traversions quelques ruelles et j’arrivais devant une petite demeure. Malgré l’intérêt que je porte à Oishi, je l’oubliais un instant en découvrant la beauté de ce jardin. J’étais subjuguée.
— Je vais vous laisser, mademoiselle. Oishi est un peu plus loin.
Je souriais, mais un malaise me prit. Et si c’était un piège templier ? J’avançais avec la plus grande prudence, prête à fuir dans un royaume de Kabbale quand je le vis assis sur ses genoux. Qu’est-ce que je devais faire ? M’approcher, m’asseoir face à lui, je n’allais pas lancer un “coucou Oishi !”. C’était si simple avant. J’avais tellement peur de le décevoir maintenant.
J’inspirais très profondément et écartai mes mains sur ma droite et ma gauche. Toujours loin derrière lui, je fermai les yeux et mes doigts carressèrent quelques plantes. Le jardin me portait, je m’y sentais tellement bien. J’ouvris les yeux et découvris un spectacle à couper le souffle. Alors, sans m’en rendre compte, après avoir fait tout le tour du jardin, je m'approchais en lui faisant face. Je m'asseyais dans la position du Kiza en raison de mon ample tenue. Je ne savais pas si c'était bien ou non. Mais je voulais avant tout vivre cet instant si rare.
Il ne prononça pas le moindre mot, ce que j’appréciais quelque part. J’étais toujours le regard perdu sur son jardin.