Le bout du nez frétillant comme celui d’une petite sorcière bien aimée, Rowie observe le monde sous ses yeux. Il y a longtemps, son père disait qu’elle n’était qu’une tête en l’air, mais adorait tout de même la garder dans les forges pour pousser les esprits à travailler aux chefs-d’œuvre asmodéens : les voleuses. Il y a longtemps, beaucoup de Nephilim la regardait comme une débile en puissance, ne communiquant pas assez, ne parlant pas, et ayant des comportements spontanées et étranges, une sorte d’elfette radieuse, que l’on n’aurait pu que mépriser tant elle ne convenait pas à quelques rigueurs tacites de sa propre race.
Peut-être était-elle née de la mauvaise graine de l’Originel, se moquait-on, probablement aurait-elle dû terminée ailleurs, il faut dire qu’elle n’a jamais connu que la proximité d’un clan qui préférait la conserver sous bonne surveillance, non qu’elle soit importante, une enfant de plus ou de moins, quelle utilité ? ! Mais disons qu’elle était comme ces chiots à laquelle on s’attache, alors que ce n’était pas le plus éclairé de la portée. Elle grandit sous les appellations d’idiotes et autres, mais son Père paraissait l’apprécier.
Rowena pouffe de rire en entendant la jeune Izanaghis parler à son oreille. Comme d’habitude, la jeune femme déroge aux règles élémentaires de la puissance suintante des Nephilim. Là où la luxure s’évacue des autres, chez elle, il y a un érotisme éthéré, une forme intangible de séduction, qui rappelle les muses et les inspiratrices des grands littéraires. Ces créatures naïades, nymphes et muses, aperçues au grès des rivières, qui capturent le mortel et emprisonne son esprit. Encore ce soir, parmi les autres, elle a cette allure différente, pourtant, elle est aussi une pousseuse de vice. C’est une Nephilim, capable de consommer les mortels sans remords, sans autre désir que l’Orgone qu’ils sont capable de lui donner. Elle ne les méprise pas, elle ne les déteste pas, ils sont, tout comme elle est. Et Rowie fait place à cette simple constatation, sans en être plus perturbé.
Peut-être a-t-elle trop connu l’enfermement par le passé, cet exil au monde, qu’elle souhaite tant aujourd’hui s’y faufiler, exilée de Pachad depuis quelques années, elle s’est naturellement dérobée à son clan, sous l’accord de son Père, préférant se consacrer à un modernisme qui lui est nécessaire.Mais ne s’était-elle pas déjà dérobée durant les temps les plus anciens ? Elle se souvient de ses escapades auprès des mortels et si elle était de nature nostalgique, elle vous raconterait comment Gutenberg avait l’habitude de déjeuner ou que de Vinci toujours à vouloir la dessiner, laissant en témoignage la Scapiliata, appréciait la présence d'un homme dans leur lit.
Autant dire qu’elle fut, à travers le temps, l’histoire, une légère plaie pour les Infiltrés…mais comment vouloir s’en prendre à ce minois lutin, fille chérie d’Asmodée à force du temps et de sa protection silencieuse dont la seule culpabilité était de nourrir les talents d’esprit grâce à ses capacités.
Elle pouffe de rire et vient grignoter le cou de sa jeune comparse qu’elle a suivis de sa naissance à aujourd’hui, n’aime-t-elle que les femmes ? Elle s’en entoure en tous les cas, et les jeunes masculins espèrent découvrir un jour si c’est la vérité ou non. Elle mordille cette peau gourmande, laissant ses doigts filer sur la taille dénudée avant de s’éclipser et de se faufiler à travers le monde, la muse au cheveux d’argent se souvient des orgies de son Père comme de la lubricité de Pascal que l’histoire ne révèlera jamais. L’envie de s’amuser est grande et dans sa robe fluide, elle file à travers les corps, posant une main sur une taille sans connaître la personne, lui souriant comme un ange innocent et capturant un regard, elle se faufile et perd la notion de la réalité, sous la musique vive…elle se fait oublier, revient, joue de cette capacité.
Elle s’arrête enfin pour dévisager à travers la foule la silhouette d’une véritable silencieuse. Elle se mordille les lèvres en l’observant, un instant, sont-elles encore proches ? Cela fait longtemps qu’elles ne sont pas vues. Un mortel cache sa silhouette en passant devant elle, et elle disparait de la vue de Less comme un papillon trop vite envolée. La voilà qui s’est éloignée, perdue, embarquée par des mortels qui la poussent sur une estrade où elle se met finalement à danser, elle triche, charme et la musique l’enveloppe. La révélation est la meilleure chose qu’il soit arrivé à ce monde, plus besoin de prendre garde à ses capacités, plus besoin d’y prêter la moindre attention et elle manipule les émotions des autres, elle se laisse aller. Elle se demande parfois ce que l’on pense d’elle, comme si cela avait de l’importance, réellement, elle qui ne recherche ni gratitude, ni reconnaissance, préférant filer dans le temps comme un élément insaisissable, elle sourit.
La musique, la chaleur, des mains se lèvent derrière elle, mortels accueillant, elle ne réfléchit pas et se laisse tomber en arrière recueillis par des centaines de doigts qui profitent, se faufilent, touchent, elle se laisse engloutir dans la foule qui la ramène et l’inspiratrice rit avec plusieurs, s’accrochant au premier cou qu’elle croise. Son corps se presse contre le mortel dont elle dévore les lèvres et elle le laisse, se détache de lui, rencontrant un corps, puis uun autre. Contre tous, elle se dérobe, en les frôlant avec indécence. Les corps s'agite autours d'elle et elle se laisse gagner par ses propres envies, inspirer l'indécence et la provoquer,sa bouche vient saisir la sienne, elle embrasse celui qui s'agite. Mais si elle dévore les lippes de Hope, elle sent des mains lui caresser la taille. Elle se retourne, embrasse un autre.