Halloween et son lot de connerie. Ses monstres. Ses farces. Ses sucreries... et tous ses enfants qui viennent frapper à la porte pour chercher leur butin dans ses déguisements grossiers... Honnêtement, ça me fatigue. Mais c'est la tradition, n'est-ce pas ? Elle est de celle qu'on honore bien qu'elle reste éteinte sur certain continent. Mais pas dans mon quartier Bourgeois où les mioches, traités comme des privilégiés, réclament leur dose de sucre annuelle jusqu'à tard le soir. Etais-je comme eux gamine ? A traîner mes parents dans cette chasse au trésor stupide ? Je ne m'en souviens pas et ce n'est pas une obligation de me rafraîchir la mémoire. Je m'en contrefiche. A présent je suis de l'autre côté de la porte, à l'ouvrir presque toutes les dix minutes. Le visage blasé et les bras chargés de ce saladier énorme que pappa sort juste pour cette soirée, 'le précieux'. Tout cela me gonfle d'ennui.
Pourtant je suis la première à m'inquiéter de ne pas avoir assez de friandises pour satisfaire tous ces petits monstres...
_Et les heures de servitude sont sans fin.
Tu ne dois pas comprendre mon silence.
Je ne te l'ai pas souhaité.
Ma langue emprisonnée dans une promesse muette pour ne rien dévoiler.
Ne rien briser.
C'est une journée spéciale pour toi...
Ton anniversaire...
Mais quel âge as-tu derrière ce visage intemporel ?
Je ne sais pas si je veux connaître la réponse.
Elle me fait peur plus qu'elle me presse.
Je te regarde souvent. Me surprend à t'admirer dans ton sommeil.
Je rêve de pouvoir te toucher autrement qu'en simple... Helle.
Mon utopie. Mon mirage.
Pardonne-moi encore si tu t'endors dans mon ignorance volontaire.
Je me rattraperais...
Demain est un autre jour, celui d'une fête..
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1er novembre. 2017.
J'ai pris ma journée.
Une première depuis un moment. J'en suis la première étonnée. Une journée qui n'agite rien est une journée stérile à mes yeux. J'ai bien l'idée de changer d'optique, de prendre l'exit ma main dans la sienne mais les moyens me manquent. Je chasse rapidement cette morosité qui me gagne.
Je suis de bonne humeur.
J'ai caché dans mon dos mon envie de faire plaisir. Depuis hier, les mots me rongent. Tu dois me détester... J'ai dû me faire violence pour ne pas cracher le morceau. Finalement, l'intervention des enfants fut mon allié. Et aujourd'hui ? J'essaie de ne pas paraître trop enjouée lorsque nous partageons notre petit déjeuné. Ni d'être trop pressante de le voir partir au travail. Parce qu'il me faut du temps. « N'oublie pas de m'envoyer un message dès que tu as terminé tes consultations. » Que je lui lance, la bouille innocente tout en lui adressant un petit signe de la main au-dessus de ma tête. Je ressens cette excitation naissante qui chatouille tout mon être. C'est piquant. C'est agréable.
Et la porte claque aussitôt.
La matinée fut pigmentée en diverses tâches. J'ai dû courir à travers la ville, cherchant les cadeaux que j'avais en tête. C'est le coffre chargé de mes achats que je me dirige vers le manoir. J'ai une montagne de sac dans les bras. Des boites empilées dans une tour branlante qui menace de s'effondrer à chaque pas avancé. C'est à peine si je salue notre vieille voisine, Madame Richardes. « On a fait des folies ! » Sa voix stridente me fait saigner des oreilles. Oh... Elle essaie d'établir le contact pour une conversation qui sera sans fin si je ne mets pas le 'oh-la' de suite. Je cherche désespérément les clés dans ma fichue poche arrière de mon Levis en prenant la liberté de l'ignorer. Je ne répond pas. Pas de rage en surface. Je contiens mon agacement naissant. « Je vous aide ? » Je la sens venir dans mon dos. Non non non. Je n'ai pas le temps. Et je sens qu'elle glisse ses doigts dans ma propre poche. J'écarquille les yeux en tentant de lui jeter un regard noir par-dessus mon épaule, mais l'entreprise est trop risquée... Ma tour de Pise tangue dangereusement. Je sers des fesses au sens propre comme au figuré. « Je les ai! » Elle me pousse doucement sur le côté et prend la liberté d'ouvrir la porte. J'inspire profondément. « C'était pas la peine... » « Taratata ! Une tasse de thé pour me remercier sera suffisant. » Suis-je en train de rêver ou bien elle s'invite ? « Je suis navrée... Mais pas aujourd'hui. Je n'ai pas le temps Madame Richardes. » Que je tente de canaliser derrière un masque stoïque. J'ai juste un volcan en irruption qui se déverse dans mes veines là. « Oh... On prépare une petite fête... Alors je n'insiste pas. » « S'il vous plaît... » « Bonne journée Helle. » Je ne répond pas. La politesse est une vertu que je possède, seulement lorsqu'on joue volontairement avec ma patience, j'ai tendance à l'oublier...
Et la journée se déroula bien trop rapidement à mon goût. Entre la cuisine à préparer, la décoration et les cadeaux à emballer... Je n'ai pas vu les heures défiler. J'en ai oublié de manger mais mon corps n'est pas rancunier. J'ondule des hanches sur une musique qui passe à la radio. Le rythme est entraînant et motivant. Je fini d'accrocher les dernières photos d'Enki au ruban des ballons gonflés à l'hélium. Puis je les dispose au-dessus de la table joliment dressée pour cet anniversaire surprise. Je m'amuse à les regarder se coller au plafond. Leur couleur dorée reflète des nuances orangés sur les murs, rendant la pièce chaleureuse. J'espère que tout lui plaira. Après tout, il est à l'honneur ce soir. La table est dressée pour deux. J'ai soigné les détails... J'avoue avoir fouiné dans mon pinterest pour dénicher quelques idées. Je suis assez satisfaite du résultat. La bouteille de champagne repose dans son seau de glace ; à côté de la pile de cadeaux. Je me recule un peu, le corps fatigué par cette journée marathon. J'ai les cheveux en bordel. Le t-shirt taché par le chocolat, tout comme l'un de mes coudes. A croire que nous nous sommes livrés un combat sans merci. Le vainqueur n'est pas compliqué à deviner. Mes paumes se frottent contre mon levis sale. Je sens le sourire satisfaisant hanter ma bouche.
Comme j'ai hâte que tu me reviennes.
_Et arrive la délivrance.
Je suis tapis dans l'ombre. Une main fermée sur une poignet de confettis. Je retiens mes gloussements. J'ai reçu son message. Il n'est plus très loin à présent. J'ai revêtu une petite robe noire. Une nouvelle pour l'occasion. Je ne suis pas de celle qui passe mon temps à faire les magasins... Mais ce soir est différent. Je veux te plaire. Mes cheveux soyeux et légèrement bouclés descendent en cascade dans mon dos. Un trait de liner à mes yeux et un rose poudré aux lèvres. Le teint est naturel. Rien de bien prononcé mais je ressemble à l'une de ses poupées au visage porcelaine. Beauté pure et froide. Je me crispe en écoutant le bruit familier de son moteur. Mince ! Il arrive. Le stress me paralyse et le doute, vicieux, profite de cette faiblesse pour me tourmenter... Et s'il n'aimait pas les surprises ? S'il détestait ce genre de plan ? S'il avait la sainte horreur des ballons ? Je panique. Ma respiration s'emballe... J'ai envie de fuir ma cachette mais trop tard.. La porte s'ouvre.
Il fait noir. J'entends ses pas. Je retiens mon souffle jusqu'à voir la lumière illuminer la pièce. C'est le signal. J'attrape mon courage qui se barre comme un lâche et sort subitement de ma planque en balançant une pluie de confettis colorée sur la haute silhouette qui se dresse devant moi.
« JOYEUX ANNIVERSAIRE ! »
Que je crie presque d'une voix enjouée. Heureuse de mon effet de surprise... Mais l'excitation, effet ascenseur, laisse place à une appréhension. Je reste devant lui bêtement à attendre une quelconque réaction de sa part. Les poings serrés le long de mon corps. C'est la première fois depuis ma renaissance -et de mémoire que je me sens si minuscule face à Lui. Je le fixe de mes grands yeux banquise...
Dis moi que tu aimes...