Balise et protection éphémère - Djinn

J’avais pris ma décision. Je n’en avais parlé à personne car je savais qu’on m’en empêcherait. Ceux qui me connaissaient savaient pourtant que quand j’avais quelque chose en tête, je ne l’avais pas ailleurs.

Je n’avais pas vu Djinn depuis plusieurs semaines. Les bruits courraient qu’il avait de nouveaux projets pharaoniques. Cela me faisait plaisir à entendre. Même si le Nephilim n’avait plus de phobie, je savais qu’il détestait l’ennui. J’arrivais donc en catimini dans son fief. Je faisais en sorte qu’aucun ne s’arrête pour moi. Je chuchotais un "Continuez" alors que j’avançais l’allée jusqu’à son bureau.

Je me faisais arrêter par sa secrétaire. Une jolie rousse, au teint frais et à la beauté juvénile.

Bonjour Arthémis. Vous pouvez prévenir votre maître que je désire le rencontrer ?

Elle est mignonne. J’attendais donc patiemment que l’Izanaghis viennent à ma rencontre. Je n’ai pas attendu longtemps, mais j’ai pu me rendre compte – vite fait – de ce fameux projet. J’attirais la sympathie des chercheurs qui se mettaient à me montrer leur travail sous le regard désapprobateur de Archess. Je m’approchais donc d’elle et je portais un intérêt entier à son travail. Je pouvais sentir la Nephilim se calmer en ma présence ... mon don aidant.

Quand Djinn arrivait, j’étais en train de rire avec la brune incendiaire.

Djinn.

Cela me faisait tellement plaisir de le voir.

J’ai besoin de ton intelligence.

Je me relevais et m’adressais à Archess.

Pardonnez-moi ma chère. Vous devriez venir boire un thé un jour.

Je rejoignais Djinn et m’accrochais à son bras.

Allons dans ton bureau.

La porte se fermait nous laissant à l’abri des regards et des oreilles indiscrètes.

J’ai besoin d’une balise. Une balise que toi seul serait capable de reconnaître.

Avant même qu’il ne demande pourquoi, je lui répondais.

Je m’en vais et je risque de fâcher plusieurs Originels.

Sariel sans aucun doute et Kronos, très certainement. Harahel peut-être.

J’ai besoin que tu me soutiennes sur ce coup là.

Je n’étais pas triste, au contraire. Je n’avais pas d’inquiétude sur la loyauté de Djinn.

Tac Tac Tac… Tac Tac Tac…
Ses doigts tapotaient le rebord de la tablette. La solution d’un problème lui semblait être sous ses yeux. Pourtant, il ne trouvait pas le début d’une piste. Son impatience se manifestait bien malgré lui. Abandonnant, il prit une capture d’écran et l’envoya à Archess. Un petit mot accompagnait son message instantanée : « Je bloque... »

Le projet de vaisseau cicatrisant lui plaisait énormément. Leurs recherches leur permettaient d’imaginer un composant reprenant forme. Même les humains avaient réussi à percer certains secrets de la mémoire de forme. La résistance à la contraction, au broyage marchait bien. Les Nephilim parvenait à garder ses caractéristiques dans des conditions de températures plus importantes. Mais dès que le composant se déchirait, s’en était terminé. Autant dire que c'était insuffisant.

Une diode rouge l’avertit de l’arrivée d’un visiteur de la plus haute importance. Il appuya sur le bouton voisin et Jarvis lui renvoya une image du coupable à l'écran via l'écran plat sur sa droite. Il esquissa un fin sourire en reconnaissant Vesta. Toujours aussi belle. Il referma le bouton de son costume en se redressant.

Il se rendit à la rencontre de Vesta, déjà prise d’un fou rire avec Arthemis. Arthemis ? Non. Elle riait avec Archess. Djinn vérifia par deux fois que son esprit ne lui jouait pas des tours. Vesta riait bel et bien avec Archess. Incroyable ! Quelle empathie ! La scientifique avait beaucoup de qualité, mais sa bonne humeur et son humour n’en faisaient pas vraiment partie surtout lorsqu'un membre d’un autre clan s’intéressait aux laboratoires.

Après quelques salutations d’usage, il se retrouvait dans son bureau, face à Vesta. Il n’eut pas à attendre longtemps, Vesta en vint immédiatement au fait.

Une balise, un seul Nephilim la détectant, l’insatisfaction de plusieurs Originels. Un problème assez facile à résoudre pour un Izanaghis mais dangereux. Il se dirigea quand même vers une autre pièce adjacente. Cela ressemblait à une sorte de débarras. Sans un mot, il écartait un tas d’objet électronique pour accéder à une cantine militaire peinte d’un bleu criant.

Il s’accroupit pour ouvrir deux clapets métalliques. Le couvercle bascula en faisant tomber les quelques pièces restantes et un peu de poussière. Il en sortit une paire de rangers et revint vers Vesta en passant un mouchoir sur le cuir noir des chaussures militaires.

Il s’agenouilla devant Vesta, toujours en silence et lui retira ses chaussures à talons avant de l’aider à enfiler les rangers. Elles étaient trop grandes d’au moins trois pointures et donnaient un look plutôt improbable à Vesta.

Il se redressa et alla chercher une baguette métallique. Il fit faire un quart de tour à la base, une diode rouge indiquait que la baguette fonctionnait. En l’approchant de matériel électronique, il fit entendre à Vesta son grésillement. Il passa la baguette près des chaussures de Vesta. Elle n’émettait rien. Il lui laissa la baguette pour prendre sa tablette et y lancer une recherche sur les chaussures.

« Position inconnue, indiquait l’écran.
— Pas très brillant. Tu peux marcher avec ? Une dizaine de pas, s’il-te-plait. Tu as le droit de tournoyer sur toi-même évidemment. »

L’écran n’affichait rien jusqu’au dixième pas. Les coordonnées GPS s’affichèrent sur la tablette. Il entreprit alors de lui expliquer son invention.

— Aucune batterie, autonomie infinie. Il faut dix pas pour charger le système. Chaque pression alimente un minuscule condensateur. En se déchargeant, il envoie alors une très courte impulsion pour être captée, sauf si on la cherche avec précision. Même la baguette ne l’a pas détectée. Même si c’est peu probable, le système chargé pourrait se faire remarquer. Du coup, le condensateur a une fuite. Donc il faut que tu fasses dix pas en moins d’une minute. Sinon tu n'enverras aucun signal. Tu marches suffisamment, j’ai ta position. Si tu veux me la cacher, ce ne sera pas bien difficile non plus.

Voilà la preuve de sa loyauté. Mais pourtant, elle peut percevoir son inquiétude dans ses sourcils froncés. Il s’appuya sur le rebord de son bureau.

— Mais c’est difficile d’échapper à la vigilance de Sariel. Il finira par te retrouver. Quant à Harahel, mieux vaut l’occuper pour qu’il ait des choses plus importantes à faire que de te retrouver. Désolé, tu t’en doutes déjà.

Il ramassa la chaussure à talon de Vesta et la retourna pour lire sa pointure sur la semelle.

— À moins que tu aimes ce modèle militaire, il faudrait que tu me ramènes quelques paires de chaussures.

Il soupire.

— Je ne peux pas te laisser partir …

Non il n'allait pas l'en empêcher.

— … sans te demander d’être prudente.

Il savait qu’elle le serait. Mais il ne pouvait pas la laisser partir sans lui donner ce conseil inutile.

Je ne voulais pas déstabiliser Djinn, alors je le laissais mener à bien son expérience, même si je savais d’avance que cela ne me conviendrait pas. Il m’affubla d’une grosse paire de rangers, qui avait déjà dû être essayé par d’autres personnes. Mes démons me rattrapaient soudain, et je ne pouvais pas m’empêcher de penser aux nombreux pieds et germes qui avaient foulés ces semelles. Une grimace s’affichait sur mon visage, laissant peut-être croire à Djinn qu’il m’avait fait mal ou qu’il avait eu un mauvais geste. C’était tellement plus anodin que cela.

Tu as vraiment besoin d'un styliste cher ami.

Je lui souriais, taquine jusqu’au bout. Je savais bien qu’il n’allait pas me demander de porter la tenue militaire. Cependant, demander à une femme de porter une sélection d’escarpins qui devrait passer à travers les âges, était impossible.

Je voyais les choses différemment.

Il pouvait voir que cela ne me faisait pas plaisir de lui dire cela. J’en étais désolée, car je ne voulais pas l’offenser.

J’avais pensé à un bijou. Quelque chose de petit et discret, que je pourrais porter jour et nuit, même nue.

Je savais que beaucoup d’hommes fétichistes aimaient qu’on garde les chaussures en faisant l’acte, mais là, ce n’était pas le sujet.

Et j’ai besoin de plusieurs exemplaires. Deux émetteurs, deux récepteurs.

J’allais lui mettre le coup de grâce, alors pour faire passer la pilule en douceur, j’ajoutais du charme dans mes gestes et dans ma voix. Sensuelle, je m’approchais de lui et glissais mes doigts le long du col de sa chemise.

Et j’en ai besoin pour hier.

Avant qu’il n’objecte quoique ce soit, je posais mes lèvres sur les siennes pour un long baiser, laissant l’effluve de mon pouvoir l’envahir doucement. J’espérais que ça l’apaiserait un peu. Je restais dans ses bras un instant.

Je ferais attention, je te le promets.

J'en étais bien obligée.

— Un styliste ? C’est exactement ce que je disais aux Skjaldmeyjar. J’ai arrêté d’en parler à force qu’elle m’envoie bouler. Au sens propre.

Les demandes de Vesta ne sont pas sans compliquer sa tâche. Comment peut-il parvenir à alimenter les condensateurs pour envoyer le signal de position ? Il réfléchit. Une montre à gousset cachant le dispositif. Trop gros, comment le garder alors qu’elle est nue. Et puis quelle idée de garder un émetteur, nu. Elle ne peut pas rester habillée ? Certes, elle est très belle dénudée, mais ce n’est pas suffisant.

Il réfléchit.

— Tu peux refaire ce geste ? Ce geste là, avec tes cheveux… Non…

Il pose ses doigts sur les siens et lui fait secouer légèrement sa main, comme elle l'avait fait avec Arthemis, quelques minutes plus tôt. Il dégage son cou et son oreille et observe la boucle.

— J’ai une idée.

Il recule, attrape la ranger et la fait sauter dans sa main.

— C’est vrai qu’il n’y a qu’une guerrière pour trouver cela sexy. À moins qu’on ne soit devenu vieux jeu.

La montre à son poignet s’anime, des étincelles parcourent de minuscule fils qui s’en extraient. Aussi fin que des cheveux, ils fondent sur la ranger et séparent avec dextérité le talon de la chaussure. Djinn en extrait une minuscule perle noir et un fil rouge très fin qui servait d’antenne.

Des étincelles gênent un peu la vue de Vesta, le fil est devenu argenté. Les fils de la montre deviennent des pinces et entortillent le fil.

— Tu tiens à ton collier ?

Il récupère le collier dont il a remarqué le précieux métal.

— Du verre, il me faut du verre.

Il se dirige vers la table basse en verre et pose le collier dessus. Sa voleuse forme alors une sphère métallique qui se pose au-dessus du collier. Il se concentre, ferme les yeux et beaucoup d’électricité choque le métal qui se sublime. De gaz, le métal redevient liquide et aussitôt solide pour recouvrir d’une infime pellicule la perle enlacée par l’ancien fil. Il est devenu un écrin portant le dispositif. Djinn répète une seconde fois l’opération avec l’autre chaussure.

Pour atteindre une température pour transformer le métal en gaz, il a du consommer beaucoup d’Orgone et d’énergie. Il essuie son front du revers de sa manche et regarde les deux boucles d’oreille.

— Deux émetteurs.

Il s’approche d’elle, lui présente les bijoux qui brillent de mille feux. Tout en parlant, il lui glisse les boucles dans les trous de ses lobes d’oreille. Elle aurait pu le faire seul, mais il ne comptait pas se priver de cette proximité.

— C’est du platine plaqué. Mais cela fera l’affaire. Les boucles vont se charger en électricité. Il te suffira de passer ta main dans les cheveux. Cela devrait provoquer le contact électrique et envoyer le signal.

Un bruit de verre qui se fissure attire son attention, la table n'a pas l'air d'avoir résisté. Elle s'effrite et termine en verre pilé sur le sol.

— Il va falloir quelques mouvements pour charger les boucles. Combien de temps comptes-tu t’absenter ?

Je n’imaginais pas Djinn se faire malmener par qui que ce soit. Si une Skjaldmeyjar l’avait bousculé, c’est qu’il l’avait laissé faire. Je ne m’en inquiétais pas plus que cela. Au contraire, je me mettais à sourire.

Je me fichais bien de mon collier. Contrairement à ce que je laisse croire, je ne suis pas matérialiste. J’étais amusée de voir le génie dont Djinn était capable. J’étais tellement loin de tout cela. Incapable de construire de mes mains. J’avais de l’imagination, mais cela ne protégé personne. Ma prison allait bientôt disparaître avec moi-même. Je ne voyais pas comment je pouvais gérer cela autrement.

Il accrocha les boucles à mes oreilles. Elles étaient un peu lourdes, mais je n’allais pas me plaindre. Ce serait mal venu, surtout avec tous les efforts que faisait Djinn pour ne pas me retenir. Il ne put s’empêcher de poser la question. Cette question dont je ne connaissais pas la réponse.

Je ne sais pas, jusqu’à ce que je le trouve.

Je ne lui avouerais jamais de qui je parle. De toute façon, il ne me demanderait pas. Il pourrait croire que je parle de Kronos. Je ne démentirais pas.

Promet-moi de ne pas me chercher quoi qu’il arrive. Surveille les signaux, je reviendrais.

Ma main se pose doucement sur sa joue et je m’approche pour lui déposer un petit baiser sur les lèvres.

Merci Djinn.

Ma main sert la sienne. Je n’aime pas les au revoir, alors je me mets à sourire et je m’en vais. J’espère trouver ce que je cherche rapidement.