C’est compliqué de savoir ce que je veux faire aujourd’hui. J’ai toujours été spontanée, je n’ai jamais rien calculé. Ma vie n’est faite que d’opportunités, de petites fleurs qui ont virevoltées et qui se sont posées sur ma route. Certaines étaient couvertes d’épines, mais elles ne comptaient pas, car j’avais ramassé aussi toutes les autres. Celles qui sont belles, colorées, douces et parfumées. C’est de celles-là dont je veux me souvenir. Tomber amoureuse de MatVeï n’était pas prévu et avoir un enfant ensemble encore moins. Je me suis toujours laissée porter. Je n’ai jamais essayé de dépasser mes limites et cela, même quand on vivait ensemble. C’est sans doute une erreur que je paye désormais. Pour la première fois, je dois me débrouiller seule… vraiment seule. Je ne peux pas compter sur Sariel, Oishi ou Swann pour me sauver. Je dois réussir seule, même si je préférerais qu’ils soient à mes côtés. Ils me manquent tellement.
Je ne sais pas par quoi commencer. J’ai l’impression que tout me tombe dessus en même temps. Au vue des enquêtes de Lucy, il semblerait qu’il a été ainsi de nombreuses fois. Sariel nous avait construit cette bulle. Je n’ai jamais rien su, jusqu’à ce qu’il ne soit trop tard. Jusqu’à ce que ce soit devenu trop gros pour nous. Peut-être que s’il ne m’avait pas autant protégé, nous n’en serions pas là. Peut-être que s’il m’avait moins aimé, il aurait réussi ce qui était convenu. Je m’en veux tellement.
Dans mes problèmes, il y en a un qui me semble presque réglé. Je parle de Lindsey. De toute évidence, je ne veux pas prendre le risque que les templiers lui remettent la main dessus. Elle va aller vivre en Zakaï. Elle ne sera pas seule. J’irai la voir parfois et Lidrya pourra lui rendre visite. Elle est l’esclave de Severide et malgré tout ce que je pense de lui, je sais que c’est un nom qui la protégera dans ce monde.
Pour ce qui est de mon petit homme, je ne peux rien faire pour l’instant. Je sais qu’il est en sécurité et qu’il ne souffre pas de mon absence. Je le sais heureux et même s'il me manque à m’en arracher le coeur, je vais être forte… pour lui. Parce que je l’aime de tout mon âme. Je reprendrai ma place, je n’en doute pas une seule seconde. C’est le seul moyen pour moi de survivre, l’espoir. Et en ce qui concerne Hope, le grand, l’homme, ce n’est pas compliqué. J’ai une folle envie de le voir, de lui poser des milliers et des milliers de questions. Mais si j’ai compris une chose, c’est que je suis loin de connaître ce que vivent les Nephilim. Je pense que si mon fils avait voulu me voir, il l’aurait déjà fait. Peut-être qu’il me déteste ? L’idée même me brise le coeur et me fait mal à la poitrine. Je me retourne, me recroqueville sur moi-même et enlace mes genoux. Je n’ai jamais trouvé mon lit aussi grand et vide depuis que je me souviens. Mes sentiments sont contradictoires. C’est difficile de faire des sauts émotionnels entre pessimisme et optimisme. Je veux y croire, il le faut car sinon je me noie, mais il m’arrive d’avoir des idées noires. Des peurs irraisonnées qui m’empêchent de réfléchir et d’avancer.
Quoi faire avec Edouard ? à priori il me déteste, ce qui tombe bien, car je n’ai pas besoin de rompre avec lui. Il est maintenant conscient que sa vie sera beaucoup mieux si je me tiens loin de lui. Cependant, des personnes l’ont contactées et elles avaient des renseignements sur mon fils. Je veux savoir qui ils sont et pourquoi ils ont voulu que je me souvienne. Savent-ils ce que je suis réellement ? Sont-ils là pour m’activer ? Est-ce que j’ai vraiment une bombe dans la tête prête à exploser mon entourage ? Je dois pouvoir répondre à tous ça. Je ne pourrai jamais récupérer ma vie sans avoir les réponses. Il va donc falloir que j’arrange les choses avec Edouard. Quelque chose me dit que ça va être difficile et que ça va me coûter.
Sun est dans mes pensées. Je ne sais rien d’elle et pourtant, elle est très claire dans mon esprit, si réelle. J’imagine nos points communs. Nos goûts sont-ils les mêmes ? Est-ce qu’elle a trouvé refuge et sécurité ? Je sais que Lucy est sur le coup, mais franchement, je trouve ça trop lent. J’imagine que je fais encore preuve d’égoïsme. Après tout, il n’y a pas que moi qui compte et elle doit avoir beaucoup de travail, mais je ne peux m’empêcher d’être en colère et de penser qu’elle ferait mieux de travailler plutôt que d’aller faire la fête hors du dôme ou d’aller se balader en Kabbale. Je suis sévère, j’en suis consciente, mais je lui en veux.
Je ne vais pas trouver le sommeil finalement. J’aurai fait nuit blanche et c’est peu après l'ouverture que j’arrive dans la galerie O’Fain. J’avoue que je n’en mène pas large. J’ai peur de la réaction de Dephaïne. C’est une demie-déesse, et je ne lui ai pas vraiment montré beaucoup de respect. Je n’y peux rien, il y a quelque chose en elle qui me fait flipper et qui me désespère. Des fois j’ai l’impression dans son regard, qu’elle se demande sur quelle étagère elle pourrait me placer une fois que je serais empaillée. Je sais qu’il y a de fortes chances que tout cela vienne de mon esprit malade, mais quand même… On ne sait jamais, c'est Dephaïne, la collectionneuse.
Je ne suis pas très longtemps seule, qu’elle arrive déjà et me met mal à l’aise. Je suis loin d’avoir vu toutes les oeuvres que Dephaïne possède. Je suis impressionnée. Je savais que c’était une collectionneuse, mais pas qu’elle possédait des objets aussi différents les uns des autres. Qu’est-ce qui lui plaît tant dans toutes ces vieilleries ?
Je me retourne vers elle, le rouge aux joues n’osant pas poser le regard sur son associé. Je réussie cependant à lui sourire. Je ne sais pas comment l’appeler. Nous ne sommes pas assez intimes pour s’appeler par nos prénoms et je ne vais pas lui refaire le coup de l’Atrium, je décide donc de faire comme elle.
Dephaïne O’Fain. Bonjour.
Cela me permet en plus de lui montrer que 1 - je n’ai pas oublié son nom de famille et de 2 - que je respecte la prononciation… Bien que je m’égare, ce n’est pas elle qui a précisé la prononciation mais bien Satsobek Anahk. Je me mélange avec tous ces Nephilim à noms imprononçables. En tout cas, je me souviens bien de cette fille qui m’a accostée maintenant. Quelque chose me dit, que je risque de la revoir.
Modeste ? J’admire votre fausse modestie. dis-je en regardant autour de moi tout en souriant.
Dawn, on a dit qu’on faisait un effort. Ce que tu viens de dire pourrait être mal prix… Grrr… je m’énerve toute seule.
Finalement, je la regarde droit dans les yeux, plus douce et plus calme.
C'est magnifique.
Tout comme elle. Ce que ça peut m'énerver toute cette beauté.
Je suis venue chercher un cadeau pour un ami. Il est collectionneur d'art.
Je ne compte pas lui dire de qui il s’agit. Je n’ai pas envie que Dephaïne s’immisce dans ma vie privée, je ne lui dirais donc pas que c’est pour Edouard Osoto.
Vous n'auriez pas quelque chose de pas trop cher, mais qui en jette quand même ?
Je baisse les yeux et soupire.
Je dois m’excuser pour quelque chose, dis-je à voix basse, très basse cette fois.
Okay, je ne suis pas fière de ce que je lui ai fait, mais ce n’était pas du tout censé se dérouler ainsi. J’avais l’impression que les mots n’avaient aucun effet sur lui. J’ai cru qu’avec une démonstration, ce serait plus facile… je me suis trompée.