L'abri-bus [Alice]

Ville jouxtant Las Vegas, Henderson City abrite les quartiers des cadres supérieurs. Les maison à la Desesperate Housewife se succèdent les unes aux autres. Mais attention, toute la ville n'est pas sous la protection du dôme.
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Heru Ur

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Heru Ur

» 09 juil. 2017, 19:14

Le vent soufflait si fort que les premières branches succédèrent aux feuilles. Les premières gouttes assombrissaient la chaussée. Grâce aux Nephilim, la végétation à Vegas avait poussé rapidement offrant une couverture luxuriante à la cité. Elle s’étendait jusqu’à Henderson City, au-delà de la limite du dôme. Je n’aimais pas quitter sa protection, surtout quand mes recherches me conduisaient à de fausses pistes. Personne n’avait vu l’homme que j’espérais rencontrer au 280 de cette rue. Il avait plié bagage depuis plusieurs années aux dires de la commère du quartier. Au moins, il était passé par là.

Je commençais à rebrousser chemin vers ma voiture. La pluie battait désormais son plein me forçant à me servir de ma veste comme d’un parapluie. J’avais frappé à la porte de toutes les maisons, il me restait encore une centaine de mètres avant de pouvoir m’engouffrer dans l’habitacle. Je m’arrêtais à mi-chemin, sous un abribus. J’ébouriffais mes cheveux pour en chasser l’eau, je décollais mon teeshirt de mon corps. L’orage me surprit en redoublant encore une fois de violence. La route semblait presque inondée. Si je posais ma chaussure sur la chaussée, j’aurais probablement de l’eau jusqu’à la malléole.

Je n’étais pas le seul à profiter de cette protection salutaire. Une femme attendait. Immobile, le regard perdu vers le ciel grondant, elle m’apparut bien plus patiente que je ne pouvais l’être.

— Quel orage ! lançais-je comme pour créer un début de conversation qui ne viendrait surement jamais.

Mais quand elle tourna la tête vers moi pour me répondre, j’eus un mouvement de recul. Je reconnus immédiatement le visage de l’Elohim. Mon dos percuta la publicité pour la nouvelle sauce sans gluten, sans sucre d’un hamburger végétarien bio garanti sans OGM.

Je comptais les secondes avant qu’elle ne dégaine sa voleuse d’âmes pour m’empaler. Mais le coup ne vint pas. Connaissait-elle mon don ? Attendait-elle que je ne puisse plus remonter le cours du temps ? Et puis la sagesse de son expression gagna la surface de mes souvenirs.

— Alice, soufflais-je en articulant à peine.

Cette Elohim avait tenté d’écarter Enerim de sa traque des Nephilim. La fin de cette conversation m’avait surpris. Il avait dit qu’elle n’avait rien à envier aux Skjaldmeyjar qu’il pourchassait. Était-ce là un dernier avertissement ? Pour autant, face à l’ennemi héréditaire, je n’étais pas rassuré et mes yeux commençaient à chercher une issue de secours, comme si un humain pouvait échapper à un Ange.

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Abigail Moore

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Abigail Moore

» 09 juil. 2017, 20:51

Je ne m'étais jamais approchée aussi près de Las Vegas. J'avais reçu la candidature d'un Templier qui souhaitait intégrer le Choeur de la Terreur, qui souhaitait devenir un Eden Ranger aux côtés d'un Elohim. Ca commençait toujours par une rencontre, je voulais savoir à qui j'avais affaire, caractère, attitude, plus j'en savais, plus facile il m'était de former des binômes. Le mien avait été évident. Elle était la guerre, elle adore se battre, manipule les armes avec un plaisir non dissimulé, elle était mon inverse. C'était aussi logique que ça semblait illogique et c'était aussi illogique que ça semblait logique. Je ne cherchais pas toujours des contraires, je cherchais plutôt des talents complémentaires. Quand je voulais trouver une solution pacifique et que c'était impossible, la Templière me le faisait comprendre. Quand elle voulait se battre parce que c'est sa réponse première, je lui montrais les issues pacifiques. Dans nos contraires, nous étions complémentaires.

Evidemment je pourrai me contenter de ce que je lis sur le papier, sur la lettre qui m'est parvenue mais qui est capable de détailler avec précision, avec exactitude, ses qualités et ses défauts ? Pas moi, c'est certain ! Et puis on ne voit pas tous ses défauts et toutes ses qualités. Prenez par exemple Las Vegas et ses environs, sur les cartes postales, dans les magazines, beau temps éternel, peu de vêtements … Je m'y rends une fois et il pleut des cordes. Un vrai déluge, comme une façon de me rappeler où je me trouve et les risques qui m'entourent. Le tonnerre gronde avec véhémence, l'orage est pile au-dessus de ma tête, les éclairs déchirent la nuit noire derrière les épais nuages. J'ai toujours aimé la plus, j'ai toujours aimé l'orage, un tel déferlement de puissance et d'énergie.

« Hmm ? »

C'est déjà trempée que j'avais pris abri sous cet abris de bus, aussi j'étais surprise d'entendre une voix à côté de moi. Je me tourne vers l'homme qui venait de parler et qui ne manque pas de reculer immédiatement pour percuter la publicité derrière lui. Je le reconnais de suite, difficile d'oublier une rencontre avec un guerrier de sa propre espèce.

« Non, attends ! »

Au moins il n'est pas en train de s'enfuir sous la pluie battante, allez essayer d'expliquer à un humain que vous ne lui voulez pas de mal si vous devez lui sauter dessus toutes ailes dehors !

« Alice, c'est exactement ça. Et toi tu n'es plus Enerim c'est évident. »

Les évidences étant désormais posées, je me recule contre le bord de l'abri-bus, en face de lui. Avec ce qu'il a dû voir, une distance d'un abri-bus doit lui sembler ridicule mais ça sera mieux que rien. Je lève les mains pour signaler définitivement que mes intentions sont pacifiques.

« Je ne te veux pas de mal. Si tu te souviens de ma rencontre avec Enerim, tu dois connaître mon point de vue sur cette guerre. Ca n'a pas changé, je suis toujours encore adepte d'une solution pacifique sans verser de sang. »

Je me souvenais aussi que Enerim m'avait dit que je n'avais rien à envier aux Skjaldmeyjar, j'espérais que l'humain ne s'en souvienne pas … qu'il n'ait pas compris dans le pire des cas. Il est difficile d'expliquer qu'on soit pacifique quand on est une combattante aguerrie, je l'ai découvert à mes dépends. Pourtant comment mieux lutter contre quelque chose qu'en le connaissant et en le comprenant ? Et puis, il doit avoir compris maintenant que si j'avais voulu le tuer il serait déjà mort, pas vrai ?

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Heru Ur

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Heru Ur

» 05 août 2017, 12:21

L’image se fige, la pluie flotte en suspension. Le temps semble s’arrêter sur ma surprise et son geste d’apaisement. Et puis, le tonnerre me réveille quelques secondes après que la foudre a frappé un arbre à quelques centaines de mètres de nous. La pluie recommence à noyer le macadam, elle a reculé, elle se montre avenante.

— Enerim non plus ne me voulait pas de mal !

Une moue désolée témoigne de mes sentiments contradictoires. Je regrette déjà mes propos. Elle ne m’a pas encore capturé. Elle n’a pas fondu sur moi pour me capturer et me soumettre à la question. Je n’ai aucune chance de fuir.

— Je me souviens de vous, même si cela remonte à loin.

Plusieurs dizaines d’années à mon échelle de temps, 4 ans pour elle, environ. Non, quatre ans pour un terrien. Si elle est retournée en Eden, alors... Je me perds. Elle n’est pas retournée en Eden, sinon elle aurait changé de simulacre. Le silence n’est troublé que par le son des gouttes d’eau qui martèle de plus en plus l’abribus, ce rempart qui insulte leur volonté de nous détremper.

— Enerim ne vous aimait pas.

Cet aveu se voulait message de paix, comme si nous pouvions être dans le même camp. Est-ce que j’y crois encore ? Oui. J’ai envie de croire une paix possible, même si je sais que cela révolte Kaylee.

— Je ne sais pas par où commencer.

Ma survie ? Ma liberté ? Moi, moi, moi ? Je me dégoûte.
Alice ? Ses buts ? Les raisons de sa présence ici ? Elle, elle, elle ? Voler des informations ? Utopie !
Son simulacre ? Le martyre qu’elle endure ?


— Parlez-vous à votre simulacre ? Leur liaison ! Briser mes préjugés ! M’ouvrir l'esprit !

Je sais la discussion impossible. Enerim ne m’a jamais adressé la parole, pas même dans un miroir. Une fois, il a eu un message pour moi, un message de dédain. Il savait que ma femme vivait dans un appartement et nous sommes passés devant par hasard. Il a volontairement gardé les yeux sur la route. Il était pourtant passager de la voiture. Ses yeux, tels ceux d’un garde du corps ou d’une Skjaldmey, furetaient toujours chaque recoin pour le prémunir du danger. Pourtant ce jour-là, devant l’appartement de Sélène et de mes enfants, il avait volontairement gardé les yeux rivés sur la bordure du trottoir.

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