- Mademoiselle, vous n’avez pas le droit de fumer dans l’avion. Lui reproche l’hôtesse en lui présentant un verre d’eau pour qu’elle puisse jeter son mégot. Samara la regarde dans les yeux un moment, souffle et laisse tomber la clope à peine entamée dans le gobelet de plastique. L’hôtesse la remercie avant de s’éloigner. Sam regarde par le hublot. Le ciel est couvert. Les nuages s’amoncèlent en paquets gris et menaçants.
Pourquoi quitter Vegas ? Elle a tout là-bas. Elle n’a même pas besoin de dire son nom, elle est aussi célèbre que son père. Sauf que tout change. Trop vite même. On dirait sa mère qui parle. Il y a deux ans elle tente de se rapprocher de son père. Les choses semblent plutôt bien ce passer. En tout cas en dehors de cette histoire de sextape. Les choses ne sont toujours pas terminées mais papa s’en occupe. Papa le sauveur de sa petite fille, le père idéal pour l’enfant terrible. Les journaux s’en sont gavés à la nausée. Sam sait qu’elle n’est pas très lucide sur tout, mais ce n’est plus de la naïveté que de continuer à croire que James Allen à fait ça entièrement pour elle. Après le divorce et le départ de maman son image avait pris un coup. Devenir ce papa super-héros était un aussi bon coup de pub qu’un autre pour faire oublier qu’il était un mauvais mari. Quant au bon père, il n’en a, finalement, que la façade. Mais pourquoi ce priver de l’illusion quand c’est tout ce qu’on a ? Sam en a profité presque deux ans. Elle faisait semblant d’y croire, il faisait semblant d’être aimant. C’était parfait, elle n’avait pas besoin de plus. Puis les emplumés sont sortis de leur placard comme des saloperies de cadavres enfermés là depuis la nuit des temps. Et le papa super-héro à trouvé une meilleure publicité que sa fille dépravée. Du pouvoir, encore plus qu’il ne pouvait en rêver.
Samara sourit en y repensant. Les écouteurs fichés dans ses oreilles balancent les notes des black Angels, l’album « direction to see a ghost. » Des deux, celui qui se fait le plus d’illusion, c’est lui. En se rapprochant de l’autre salope aux cheveux noirs il croit accroitre son influence mais il ignore peut-être certains sobriquets qui tournent sur son compte. L’esclave ! Putain, son père a elle, le maire de Las Vegas qu’on surnomme l’esclave. Elle tuerait cette salope qui lui a tout pris si elle l’avait en face.
Il y a deux ans tout allait presque bien du moment qu’on ne creusait pas trop, puis ils sont arrivés. Enfin, ils étaient déjà là, dans les ténèbres, tapis comme des prédateurs en attente du bon moment pour vous niquer. Ils sont sortis de leur tanière, apparaissant comme des Dieux, Nephilim, Elohim, avec leurs ailes noires et blanches, leurs pouvoirs incroyables. Des anges et des démons. Si quelqu’un demandait son avis à Sam elle répondrait que Dieu est mort et que c’est pour ça que les emplumés ont décidés de se montrer au grand jour. Dieu leur avait interdit de baiser les filles des hommes, ils l’ont fait. Dieu les bannis sur terre en leur disant d’arrêter leurs conneries, ils continuent. D’après elle si les humains sont supérieurs aux emplumés c’est que Dieu à donner le libre arbitre aux hommes et qu’il a dicté des lois à ses anges. Du coup finis le monde USA, Europe, Russie. Maintenant le monde se divise entre Nephilim et Elohim. Plus rien ne compte vraiment. Surtout pour papa qui n’y voie que l’opportunité d’être plus grand. Comme s’il pouvait devenir l’un d’eux. Il devrait plutôt les détester, plus encore que ce qu’elle les déteste elle.
Samara tourne son regard vers le hublot et voie une silhouette traverser les nuages à toute allure. Ses ailes sont immaculées contrairement à ceux qui habitent Vegas. Ils arrivent à Paris. Saloperie d’anges !
***
A peine passé le portique que Sam file vers les toilettes. Elle ouvre son poudrier, dessine une trace blanche sur le miroir et sniff le rail. La tête en arrière elle inspire un grand coup puis vérifie dans le miroir qu’elle n’ait pas de tâche sur les narines. Une fois qu’elle pense que tout va bien elle repasse un peu de rouge à lèvre et s’allume une cigarette. Elle observe, à travers ses propres prunelles, son avenir. Elle n’est pas Parisienne, pas encore. Elle n’est plus vraiment de Vegas, mais encore assez. Et si elle se taillait les veines ? Genre un cachet d’aspirine, un grand bain chaud, une clope et deux exctas. Si on la sauve son père pourrait prendre, enfin, la dimension de son désespoir. Si elle y passe… Bha, il doit y avoir un paradis et un enfer et vue les enculés qui viennent de là-bas ça doit pas être si terrible, non ? Non? Sam arrange son chemisier, ouvre quelques boutons. Elle range son pendentif en forme de croix chrétienne, elle lisse son pantalon noir et remet ses affaires dans son sac à main Gucci. Elle doit voir un appartement, un Loft au dernier étage d'un immeuble du centre. Un truc qui va ruiner le compte en banque de son père, rien de plus jouissif.
Elle traverse le hall de l’aéroport et prend un taxi.
- Pardon Mademoiselle, vous n’avez pas le droit de fumer dans les taxis !
C’est quoi ce pays de merde ou on peut fumer nulle part ?
***
Elle est en retard. La visite à déjà débuté. Une jeune femme d’une trentaine d’année est en train de faire visiter un salon immense à un couple et une fille blonde plutôt jolie. Samara dévisage la femme de l’agence avant d’allumer une cigarette. Elle se fou complètement du regard sombre que lui envois la guide. Sam tourne pour regarder l’appartement sans écouter la présentation. De toute façon les Black Angels continuent de jouer et d’embrumer l’esprit de la jeune femme avec leurs notes atmosphériques de guitare éléctrique. En quelques secondes elle c’est fait son avis et revient vers le groupe. Elle coupe la femme de l’agence en plein milieu d’une phrase.- Pardon, mon Français il est pas très bonne. Je voudrais dire que je prends le ici.* Explique Samara en faisant tourner son doigt pour désigner la pièce et l’appartement.
- Je me moque de l’argent que vous voulez. Vous me dites et je paye. Ok ?*
Sam tourne sur elle-même sans attendre la réponse qui va suivre. Elle va voire la baie vitrée qui donne une vue sur la tour Effel. De toute façon l’argent permet tout et plus encore, au pire un papa Maire de Las Vegas débloque les situations ou l’argent ne suffit pas.
- Dior, J’adore ! Paris ! Le Tour Effel ! Cooool!*
Le couple s’offusque mais Samara attends seulement un prix et plus ce sera chers et plus elle se dira que l’attention de son père se reposera de nouveau sur elle. « Regarde moi, je fais une connerie. » ça à toujours fonctionné.
*En Français dans le texte.